Tous
ces autres
en soi

L’œuvre Tous ces autres en soi est issue d’une série d’ateliers chorégraphiques menés par Ariane Boulet avec les usagèr·es des services de psychiatrie du Centre hospitalier Le Vinatier à Lyon, sur l’invitation du psychiatre Emmanuel Monneron. Durant trois mois, à raison d’une demi-journée par semaine, Ariane orchestre des rencontres dansées entre le personnel soignant et les patient·es de l’hôpital dans le but d’inviter chaque personne à être présente à elle-même et aux autres, dans un rapport sensible et inédit à son corps. 

Au fil des rencontres, les ateliers de mouvement se transforment en ateliers de création. L’œuvre conçue par Ariane est influencée par la dynamique du groupe et l’apport de chacun·e des participant·es. En amont et en marge du processus de création, on vient outiller les patient·es de l’hôpital Le Vinatier en leur donnant accès à la danse sous la forme de conférences, de spectacles et de visionnements de vidéodanse.

En 2022, le spectacle Tous ces autres en soi est présenté à la Maison de la danse de Lyon. Sont réuni·es sur scène trois infirmières, une paire-aidante, le psychiatre Emmanuel Monneron et trois usager·es des services de psychiatrie du Centre hospitalier Le Vinatier.

La question du corps, de sa motricité et de ses perceptions a longtemps constitué un tabou dans le monde de la psychiatrie. Pourtant, il semble que cette question soit centrale dans bon nombre de difficultés que rencontrent les personnes qui présentent des troubles psychiatriques. Nous nous sommes questionnés sur la possibilité de reconquérir ce territoire du corps - cet espace intime que nous possédons tous·tes - pour qu’il devienne ou redevienne un espace de bien-être.

Emmanuel Monneron, psychiatre

Emmanuel Monneron a suivi une formation en danse contemporaine au cours de ses années de médecine. Après son internat de psychiatrie, il a été embauché comme psychiatre à l’Hôpital du Vinatier, dont l’une des antennes est adjacente à la Maison de la danse de Lyon. Dès son arrivée, il a entrevu la possibilité de créer des projets combinant la danse et la santé mentale. Sous son initiative, le projet Tous ces autres en soi a pu prendre forme grâce au programme gouvernemental Culture et Santé et à la structure culturelle de l’hôpital La Ferme du Vinatier

Emmanuel Monneron, Psychiatre au Centre Hospitalier Le Vinatier, à Lyon

Paroles de psychiatre

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Paroles de psychiatre *

Une démarche artistique
Il important de distinguer une démarche artistique de celle de l’art-thérapie, qui met un médium au service d’un processus thérapeutique. Dans le cadre de nos projets à l’hôpital, nous évoluons dans un contexte de démarche artistique, avec l’idée que l’art fait partie intrinsèquement de l'expérience de l’être humain. D'un point de vue anthropologique, historique, sociologique, on retrouve des pratiques artistiques dans toutes les organisations humaines de tout temps. L’art a sa place partout, y compris à l’hôpital.

Un projet citoyen
Un projet comme Tous ces autres en soi permet de faire rayonner l’institution psychiatrique différemment au niveau de la ville. C’est une manière de démontrer que la psychiatrie à l’Hôpital du Vinatier, ça n'est pas que des médicaments ou des chambres d’isolement ou encore des mesures de contention physique. Ce type de projet citoyen en lien avec la culture, avec les arts, avec les territoires s’intègre bien dans le courant de la réhabilitation psychosociale, qui a pour objectif de sortir d’un système hospitalo-centré.

Les rapports de symétrie
Ce type de projet permet également de créer un espace dans lequel des patient·es qui, en général, interagissent dans des rapports d’asymétrie (la personne sachante et la personne qui vient chercher le savoir ou qui vient chercher le soin) peuvent se retrouver à égalité. Des personnes souffrant de troubles psychiques peuvent être très douées en danse, alors que des membre du personnel soignant en santé mentale très compétents en tant qu’infirmiers ou psychiatres peuvent être débutants dans ce domaine. Dans un studio, c'est plus compliqué de se faire appeler « docteur Untel ». On se prénomme, on se tutoie. On est amenés à se toucher, à se regarder en train de s’exprimer à travers le corps, le mouvement. En somme, nous partageons des moments différents de ces entretiens psychiatriques standardisés dans un bureau et en face à face.

Une permission
Les gens pensent parfois que la danse est un mode d’expression réservé aux experts, et qu’elle nécessite une certaine condition physique, une maîtrise de la technique, une souplesse, une disponibilité de corps. Or, lorsqu’un artiste a ce talent de trouver les biais pour mettre les patient·es en mouvement, avec leur propre corps, leurs expressions, cela génère un grand sentiment de liberté. «Tiens, je ne pensais pas que je pouvais faire ça avec mon corps. Je ne pensais pas pouvoir me l’autoriser.» Le corps peut dès lors devenir un outil pour trouver de la force, se défouler, se relier à ses émotions, apaiser des affects douloureux ou souffrants, et prendre soin de soi.

Il ne faut pas se mettre trop de pression,
ni penser qu’il faut faire quelque chose d’extraordinaire.
Le simple fait de ressentir une connexion,
c’est très extraordinaire.
Une fois qu’elle est installée,
après, c’est un jeu.

Ariane Boulet, aux participant·es du projet
Tous ces autres en soi

La bande-anonce du documentaire À l’intérieur de Claire Juge sur le projet Tous ces autres en soi

Crédits

Photos: 1) Léonore Le Clef 2-6) Images tirées du film de Claire Juge 7) Léonore Le Clef

Directrice artistique et créatrice | Ariane Boulet
Idéateur | Emmanuel Monneron
Interprètes-créateurs.trices | Léonore, Sylvie, Anne, Elsa, Emmanuel, Dina, Jacques, Béatrice, Sandrine, Vanessa
Producteur | Le Radeau, La Ferme du Vinatier
Partenaires | La Ferme du Vinatier et le dispositif Eclats d’Art, Le réseau des projets artistiques des unités de soin du Centre Hospitalier le Vinatier, Le Centre Hospitalier Le Vinatier et le Pôle Universitaire Centre Rive Gauche, La Maison de la Danse de Lyon, La fondation APICIL, Le Conseils des arts et des lettres du Québec